Images de la vieillesse dans les médias et dans la société

Publié le par atoutage

L’expression de Alfred Sauvy: «la société vieillit», a nourri l’idée d’une société qui manque de dynamisme, d’une société qui «stagne» voire qui recule.
Par Olivier Taramarcaz
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Patricia Roux (1994) a réalisé une enquête sur les représentations mutuelles entre générations. Elle a observé que les représentations correspondaient peu à la réalité.
• Evaluation de la proportion des personnes âgées de 65+ dans la société
a) par les jeunes: 34%
b) par les personnes de 65+: 31% Réalité: 15%
• Evaluation de la proportion des jeunes (0–25 ans) dans la société
a) par les jeunes: 25%
b) par les personnes âgées de 65+: 29% Réalité: 31%
Cette enquête a permis de mesurer une représentation commune que la propor tion de personnes âgées de plus de 65 ans en Suisse est faussée, allant jusqu’à doubler le pourcentage de la proportion réel le! Comment se fait-il qu’une telle représentation puisse être incorporée par la majorité des individus? Nous pouvons postuler que les médias, qui tendent souvent à surdramatiser le poids des vieux, ont un impact sur l’évolution de ces re présentations sociales. Nous pouvons nous poser la question de savoir à quoi attribuer cette vision négative de l’âge. L’âgisme, défini comme un préjugé défavorable à l’égard des personnes âgées, s’explique par le sentiment négatif que chacun porte en soi, à des degrés divers, vis à vis de la vieillesse. Les mythes reflètent un manque de connaissance à propos des personnes âgées ou le peu de rapports qu’on a avec les membres de ce groupe d’âge.
Mireille Balahoczky (2003, 40–42) a conduit une réflexion sur les mythes les plus courants autour de la vieillesse, dans notre vision occidentale:
• Mythe de la vieillesse: la seule mesure de l’âge chronologique ne tient pas compte de l’individualité des personnes.
• Mythe de la non-productivité: en l’absence de maladies ou de contraintes sociales, les personnes âgées restent bien engagées dans la vie familiale et communautaire. Certaines ont encore une activité professionnelle.
• Mythe du désengagement: certaines personnes âgées ont tendance à se replier sur elles-mêmes, à choisir la solitude. Ceci n’est pas une généralité.
• Mythe de l’inflexibilité: l’adaptabilité est liée aux caractéristiques personnelles d’un individu et non à l’âge. Les personnes âgées peuvent s’adapter à des niveaux divers et la majorité d’entre elles accepte le changement.
• Mythe de la sénilité: les pertes de mémoire, la diminution de l’attention et les moments de confusion sont souvent perçus comme de la sénilité. En réalité, ces comportements peuvent être liés à une pathologie et sont réversibles.
• Mythe de la sérénité: l’âge avancé n’est pas un gage de sérénité, de repos et de temps libre. Les personnes âgées vivent aussi de la peine, de la désolation et de l’inquiétude face à leurs propres pertes ou à des difficultés de leur entourage.
Dans nos sociétés économicistes, nous sommes placés devant des éthiques concurrentes. Tout d’abord, la conquête de l’individualisme a conduit au développement de va leurs associées: l’autonomie des personnes; des choix de vie plus ouverts; une responsabilité individuelle. Parallèlement, la conquête de la solidarité est liée à des valeurs de coopération: de démocratie sociale, de réduction des inégalités sociales, d’humanité commune. Aujourd’hui ce champ de tension tend à profiter à une vision individualiste, plus qu’à une vision so lidaire, à un rapport de compétition, de concurrence entre générations, plus que de coopération et de réciprocité.
L’âge: un frein aux progrès
Ainsi, dans les médias, nous pouvons percevoir une tentation de considérer l’apport des personnes vieillissantes comme un «frein» au développement de notre société. La génération des personnes vieillissantes, située hors du champ de production économique est appréhendée comme un «poids» qui ralentit la croissance économique notamment. Cela se traduit en termes d’images par des représentations de fermeture. Dans nos sociétés occidentales, nous privilégions une conception du monde qui va vers l’avant et vers l’inédit, de manière linéaire. Le progrès est devant soi et pas derrière. Cette conception se retrouvait déjà dans des œuvres picturales, comme l’œuvre de Titien évoquant de manière allégorique le temps gouverné par la prudence (vers 1665). L’œuvre représente trois visages en un seul (avec la même tête/le même cerveau). Au centre le visage d’un homme mûr est associé au présent, sur la gauche, nous pouvons observer le profil d’une personne qui regarde vers «le passé», et sur la droite, se dessine le profil d’un jeune homme, qui regarde «en avant». La construction de cette peinture reflète un certain équilibre entre le passé, le présent, le futur, chaque pôle s’appuyant sur l’autre pour former une assise. Le regard vers le passé permet de se projeter dans le futur et de s’engager dans un présent bien ancré. L’image du vieux qui regarde le passé, n’empêche pas le jeune de se projeter vers l’avenir. Aujourd’hui, cette métaphore est présentée dans les médias au travers d’une construction différente. L’image du vieux est positionnée de droite à gauche, de profil, ce qui symbolise une posture orientée vers le passé. Mais ce qui change, c’est la position du visage du jeune. Celui-ci regarde en avant, vers l’avenir, mais son regard est bloqué par le regard du vieux qui ferme l’ouverture du regard. L’horizon est bloqué par le poids physique du vieux. Si nous considérons plusieurs couvertures de revues qui ont placé une L’expression de Alfred Sauvy: «la société vieillit», a nourri l’idée d’une société qui manque de dynamisme, d’une société qui «stagne» voire qui recule. Par Olivier TaramarcazNOVA 122004 35 d f i image symbolisant la vieillesse en regard des autres générations, nous pouvons tenter de comprendre qu’est-ce qui s’y donne à voir et à lire:
Medias stratèges
Une couverture de la revue «Le temps stratégique» place face à face une figure «enfantine» et une figure de personne âgée. Les regards se croisent-ils? L’enfant regarde-t-il la personne âgée ou cherchet-il un point d’horizon? Une autre perspective? Le regard du vieux ne semble pas se projeter. Il est même un peu flou. La figure du vieux est ici difficile à situer au niveau du genre: est-ce un homme? Une femme? Cela semble avoir peu d’importance. Le reflet des rayons de lumière sur les visages accentue la perception d’êtres a-historisés. La lumière prolongeant les traits de l’enfant symbolise-t-elle une lumière matinale? Les deux visages sont de même dimension. L’enfant affronte-t-il le vieux? L’image ne laisse pas entrevoir un échange, une communication interper sonnelle, un dialogue. C’est un face à face. Dans l’hebdomadaire Construire, l’image présente au premier plan un adolescent et en arrière-plan une personne distante de deux générations. Au plan vestimentaire, le jeune est décontracté, avec un T-shirt, la personne plus âgée porte un costume et une cravate. Le jeune paraît ennuyé, coincé. Il se passe quelque chose derrière lui, dans son dos! Est-ce d’abord un ressenti qui se traduit par un malaise? Le retraité projette un regard en direction du jeune. A priori, il cherche le contact. L’image laisse entrevoir une possibilité de rencontre, de croisement des regards. L’intitulé se veut accrocheur. Cependant, dans un climat social tendu, où l’on parle de manière constante de guerres effectives, le terme retenu est fort! L’Hebdo a également proposé au début de l’été 2004, une couverture représentant une image de retraité, accompagnée d’un titre symbolique: «Plus riches que jamais. En pleine santé. Les retraités s’éclatent», suivi d’un sous-titre sous forme de question: «Et les autres générations?» L’image représente un homme sexagénaire. L’image est présentée de droite à gauche. L’homme illustré, effectivement court, ce qui l’identifie à un rythme commun dans notre société du «vite». Cependant, il court en arrière. Derrière lui se dessine un ciel pommelé de nuages légers. Il flotte, il surfe. Il s’amuse. Son énergie ne lui sert qu’à lui. L’image présente un individu qui n’est pas relié aux enjeux qui traversent notre société. Cela sous-tend une sorte d’égoïsme mal placé. Car si dans notre société, l’égoïsme est une valeur sacralisée, si la compétition est considérée comme un bienfait national, qu’est-ce qui fait que le fait de s’affirmer en étant à la retraite peut être perçu comme «suspect»? Les titres sont clairs. Ils mettent en opposition deux éléments: les vieux sont riches et en pleine santé. Les autres générations travaillent pour garantir une AVS toujours plus lourde. Est-ce que notre société ne doit pas reconsidérer cette situation qui devient intenable. Sous couvert de valorisation de l’autonomie des générations de retraités, nous percevons une mise en tension entre des intérêts collectifs assumés par les générations qui travaillent et les intérêts personnels des retraités qui «s’éclatent» à priori sans se préoccuper des problèmes de société. Nous percevons ainsi un clivage entre classes d’âges, entre générations, qui est en partie institué par les médias. Ceux-ci sont en partie sous l’influence de milieux économiques. Ils impriment dès lors une certaine tonalité en orientant l’imaginaire collectif selon une vision plutôt économique de la société. Nous pressentons également une tentation politique et éco nomique de rentabiliser le temps de la retraite:
• le temps de la retraite considéré comme un temps mort par l’économie
• les acteurs sociaux ont de la difficulté à penser les modalités communicationnelles entre générations sous d’autres formes que des rapports d’utilitarisme
• les «vieux» sont au centre d’enjeux économiques. Nous pouvons observer un investissement de la catégorie de population constituée par les retraités, dénommée de plus en plus sous le terme de «seniors» par le marché. Dans le domaine de la santé, nous observons un «marketing senior» sans fonction sociale: «reposez-vous!»; «restez en santé!»; «restez actifs!» à l’image de la revue focus (N°19/ 2004): Si vieillir en bonne santé est défini comme une priorité, nous pouvons nous poser la question de qu’est-ce que c’est vieillir en bonne santé? La légitimité de la proposition, placée en vis-à-vis de l’image proposée par l’Hebdo, peut amener à analyser36 NOVA 122004 d f i cette image en soi positive, de manière plus nuancée. En définitive, nous voyons aussi sur cette double image, des retraités qui font du sport, qui s’amusent entre eux et en masse... C’est bon pour réduire les coûts de la santé! C’est un bon argument. Cependant, nous pouvons aussi interroger la pertinence de cette approche qui réduit la santé à une hygiène corporelle.
Risque de désolidarisation
Dans ce champ de tension mis en œuvre par une démarche de cloisonnement entre les intérêts propres à chaque génération, nous pouvons percevoir un impact au plan politique, par une sorte de protectionnisme, de centration sur soi. Une conséquence de ce fonctionnement peut être le fait de ne plus considérer les intérêts des autres comme à défendre. Cette tendance est renforcée par une approche néolibérale dans notre société. Progressivement, chacun devrait être responsable pour lui-même, en assumant les charges qui lui incombent. Ainsi, dans cette optique, nous pourrions considérer que si la génération des retraités veut s’éclater, c’est son choix, mais qu’elle n’attende pas de la part de la société une solidarité publique! Ce qui est une perspective peu souhaitable. Giuliano Bonoli, Professeur associé au Département Travail social et politiques sociales de l’Université de Fribourg a élaboré un tableau comparatif des votes par classes d’âge sur des thèmes de politique sociale: Ce tableau indique que les retraités ne soutiennent pas toujours les intérêts des autres générations (votations chômage; maternité). A l’heure des ressources socio-sanitaires bloquées, ou réduites, le scénario d’une désolidarisation à l’égard des personnes âgées «dépendantes» par une offre de soins à coût minimum n’est pas exclu: avec charge accrue sur la solidarité familiale privée. A titre d’exemple, la proposition de santésuisse de taxer les 50+ (soit ceux qui consomment les soins) peut trouver des échos favorables dans un climat de tension économique. L’enjeu se situe autour de la question du rapport de confiance entre générations dans un contexte économique «morose» et dans un climat de tension:
• la solidarité est liée à un rapport de confiance à l’égard des générations suivantes. Dégradation du climat de confiance
• l’attitude des générations est déterminante à l’égard du principe de solidarité publique ou de solidarité collective
• la société du salariat est en crise. La protection sociale liée au travail renforce les inégalités pour ceux qui n’ont pas de travail (protégé)
• la mise en cause de la «sécurité des espérances», risque de se traduire par une augmentation des maladies invalidantes, des violences, des exclusions, des positions extrémistes
• Peu d’informations et de formation sont offertes aux jeunes générations sur les enjeux de la démocratie sociale, sur la construction des solidarités sociales, sur le rôle régulateur de l’Etat social (les rapports et informations techniques sont souvent illisibles, et présentés sans aucune dimension éthique).

clivage age

Identité d’âge
Peut-on parler d’une identité d’âge? Nous devons nous interroger sur plusieurs points:
• le mythe de l’âge rassembleur (identité immobile)
• les implications liées au fait que notre société est organisée sur le principe des générations séparées
• une génération constitue un ensemble anonyme: on peut parler de génération effective seulement si s’établit un lien entre les membres d’une génération
• l’âge n’est pas un critère de solidarité
• la citoyenneté n’est pas fondée sur l’âge En d’autres termes, ce ne sont pas les qualités intrinsèques, exclusives des seniors qui sont à considérer en soi, mais l’entrecroisement des questionnements résultant de la coexistence des générations dans la société, et les nouveaux espaces à créer pour favoriser un dialogue démocratique en assumant ensemble des responsabilités communes. Ainsi, nous pouvons postuler que les individus de viennent acteurs parce qu’ils contrôlent des portions de la vie sociale, qu’ils peuvent exercer des capacités d’influence, qu’ils sont considérés comme partenaires de la vie collective. Le lien social peut dès lors se comprendre comme la possibilité de vivre des relations d’entraide et de réciprocité.
Images en question
Les questions qui se posent autour des images véhiculées par les médias sur les âges de la vie sont plurielles, à considérer de manière transversale:
1.Comment sensibiliser les médias, les politiques, les acteurs sociaux à valoriser des images diversifiées des âges et des relations entre générations?
2.Comment rendre compte des valeurs sociales comme facteur de cohésion et de développement pour toutes les gé nérations?
3.Les individus vivent dans des environnements construits. Comment valoriser l’habitat comme espace de médiation intergénérationnelle? Comment créer des environnements amicaux entre générations?
4.Une action qui veut agir sur les réseaux de voisinage doit être localisée.
Comment traduire des visions de politique sociale globale dans des actions de terrain?
5.Les discriminations liées à l’âge reflètent un manque de conscience des autres générations. Comment développer une culture de la réciprocité, une approche culturelle du vivre dans une société économiciste? Comment favoriser les transversalités entre culture, social, politique et cycle de vie?
6.L’être humain est global. Les structures sont sectorisées. Comment accompagner les politiques gérontologiques, de jeunesse, de la famille, etc. à évoluer d’approches cloisonnées et spécifiques vers des démarches de croisement des questionnements? Comment passer de projets pour les retraités/de projets pour les jeunes [ou par catégories de problèmes] à des actions de co-développement et de cohabitation entre générations dans une société en mutation?

En résumé, je formule trois questions en lien avec la construction d’images différenciées sur les âges de la vie dans une société valorisant une vision trop souvent uniciste des relations entre générations:
1.Comment élargir la vision de génération en orientant la réflexion sur des enjeux de société qui touchent toutes les générations (générations sociales/citoyennes), en contrepoids à une vision «sanitaire», «hygiéniste» du bien vieillir? 2.Comment promouvoir une politique sociale liée au cycle de vie?
3.Comment agir pour que les personnes de toute catégorie sociale, de toute culture, de tout âge trouvent une place dans la ville, dans le quartier, dans la commune (lien social; participation sociale; engagement social; interactions sociales)?

La réalité en avance sur les images de l’âge

L’approche économique des âges dans les medias reflète un décalage entre d’une part la tendance du marché à valoriser l’image des vieux comme consommateurs potentiels et d’autre part à discriminer les personnes vieillissantes sur le marché de l’emploi. Cette contradiction préfigure le mépris des parcours de vie des individus, l’ignorance du principe de la durée sans laquelle peu de choses significatives se construisent.

Visions de l’âge: offres d’emploi dans la presse
Les offres d’emploi indiquant un âge, par exemple 25–35 ans, constituent une manière récurrente de discriminer les individus qui ne se situent pas dans cette tranche d’âge. Au Canada, cette discrimination est illégale. Elle peut être poursuivie en justice. En Suisse, elle ne fait pas l’objet d’une réglementation particulière, mais une telle pratique peut aussi être dénoncée puisqu’elle est une atteinte aux droits des personnes. La discrimination liée à l’âge se manifeste aussi par la diminution des prétentions salariales des personnes plus âgées. Il suffit d’ouvrir les journaux sous la rubrique «emplois» pour observer le poids accordé à l’âge! Nombre d’annonces indiquent une limite d’âge qui exclut dès lors les personnes qui se situent hors de la tranche indiquée. Et vous ne trouverez jamais de fourchette d’âge au-dessus de 45 ans! La conséquence en est une discrimination sur le marché de l’emploi en particulier des personnes de 50 ans et plus. L’âge devient ainsi un critère pour se présenter dans un poste de travail. Le présupposé de cette pratique d’exclusion des 50 ans et plus dans la presse est qu’une personne se situant en dehors des normes prescrites n’est pas en mesure d’assumer le poste proposé. Dans un atelier pour chômeurs âgés, une personne de plus de 50 ans qui avait présenté sa candidature à un poste de travail, qui s’est vu retourner son dossier, avec son âge entouré en rouge comme si cela constituait une erreur d’orientation grossière, a reçu ce document comme une dé monstration comptable du mépris. Elle s’est sentie considérée en quelque sorte «d’inutilité publique» (Guillemard, 1998, 15–22). Les offres d’emploi qui mentionnent une fourchette d’âge constituent une pratique courante de discrimination liée à l’âge. De manière détournée, certaines annonces ne mentionnent pas d’âge précis mais spécifient «jeune pâtissier», «employé de commerce junior». Si en Autriche et en Allemagne quelques firmes n’engagent que du personnel de 50 ans et plus, considérant les 50+ comme ayant une plus grande fiabilité, une meilleure stabilité, une fidélité à l’entreprise, une plus grande faculté à s’ajuster aux besoins du client... force est de constater que ces démarches restent des exceptions. Par ailleurs, c’est le croisement des expériences et des compétences qui devrait être valorisé bien plus que l’âge. La contradiction entre le projet d’insertion sociale des jeunes et l’exclusion sociale des individus de 55 ans et plus ne fait qu’augmenter les tensions d’identité dans la durée soit dans le cycle de vie. Les travailleurs dits «âgés» intègrent également progressivement une identité d’illégitimité. Ils se projettent psychologiquement dans un parcours professionnel dont l’horizon se situe aux alentours de 55 ans.

emploi age

Evolution des compétences avec l’âge
Sandra Aeppli (2002,21) se réfère à plusieurs recherches (Bruggmann, 2000; Naegele,1988) pour considérer le lien entre la variable âge et la variable perfor mance. Selon les recherches réalisées, aucun lien significatif n’existe entre ces deux variables. C’est seulement à partir de l’âge de 70 ans que peuvent survenir des signes de diminution d’adaptation des compétences sociales. Pour le moment, cet âge-là est situé hors de la tranche d’âge des personnes actives professionnellement. Bruggmann a élaboré un tableau de compétences en sériant les facultés qui diminuent, celles qui restent stables, celles qui peuvent se renforcer. Les stéréotypes à l’égard des travailleurs âgés concernant leur capacité à s’adapter et à développer de nouvelles compétences sont persistants, malgré des études qui relèvent le côté «farfelu», infondé, de la discrimination organisée des 50+.

competence age

Discrimination irrationnelle
Dès l’an 2000, dans nombre de pays européens, la moyenne d’âge des actifs s’élèvera et dépassera 40 ans. L’exclusion du marché du travail des plus de 55 ans est une manière de ne pas considérer l’évolution démographique de notre société. Dans une société vieillissante, la proportion des professionnels de 45–65 ans est en position de croissance. Dans le prochain quart de siècle, la croissance démographique des 45–65 ans va être plus importante que celle des plus de 65 ans. Dans une société qui aime la croissance, comment est considérée cette croissance-là? La question de la mise à l’écart des plus de 55 ans n’est pas à relier à une question de formation, attribuant la responsabilité de l’exclusion du marché de l’emploi aux salariés. Cette situation par laquelle les salariés sont jugés «déqualifiés» et «inemployables» n’a pas à faire avec compé tence ou incompétence, productivité ou improductivité des salariés situés dans cette étape de vie. Cela a à faire avec une politique de restructuration des entreprises visant plus de profit. Les entreprises appuient ainsi leur légitimité sur les images négatives de la génération des 50 ans et plus diffusées par les médias, négativité admise socialement. Et cela se manifeste dans le même temps par un accès réduit à la formation de cette catégorie d’âge: pourquoi former des personnes considérées comme étant moins productives? De cette manière, les 50+ se trouvent doublement discriminés. Le chantier est ouvert: nous avons la responsabilité de créer un monde dans lequel chacune et chacun peut trouver une place. L’influence des représentations sociales et le poids des images diffusées par les medias sur l’inconscient collectif, se traduit de manière idéologique, comme je l’ai brièvement esquissé à partir des annonces dans la presse quotidienne, par l’incorporation d’un schéma de pensée réducteur de la réalité. Ainsi, nombre d’employeurs ont intégré dans leur carte mentale l’idée que le monde s’arrête à 50 ans! Et nombre de citoyens ont formaté leur rapport à eux-mêmes, leur rapport au monde dans les limites de ce modèle, sans l’interroger.
Olivier Taramarcaz, rédacteur NOVA
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J
<br /> Madame, Monsieur bonjour,<br /> Je réalise actuellement un mémoire sur l’âgisme et le recrutement, et votre blog m'a beaucoup intéressé. J'aurai voulu, dans la mesure du possible vous poser une question:Connaissez-vous des<br /> pratiques de recrutement autres que la mise en ligne d'offres d'emploi discriminantes visant à évincer les travailleurs en raison de leur age ? Un grand merci à vous et bon courage pour la suite.<br /> <br /> <br />
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